Dancing Philosophy - Workshop
Une personne. Prendre, déposer, s'asseoir, se lever.
Campus d’Arenberg - Université polytechnique Hauts de France
Université de Rennes
Une personne. Prendre, déposer, s'asseoir, se lever.
Un protocole performatif de Irénée Blin et Daniele Marranca
Introduction
Le projet Dancing Philosophy a été développé dans le cadre de COESO, projet européen à soutien de recherches participatives en Sciences Humaines et Sociales porté par l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales.
Né à l'initiative de Cosetta Graffione, danseuse et chorégraphe et de Stefania Ferrando, philosophe, ce projet pilote intègre Daniele Marranca et Irénée Blin pour leur expérience à la fois dans le domaine de la création artistique (spectacle vivant et arts visuels) et dans les domaines de l'analyse du mouvement (Analyse Fonctionnelle du Corps dans le Mouvement Dansé - AFCMD et cinétographie Laban).
Durant cette collaboration, la nécessité d’approfondir une recherche sur la position assise, comme position privilégiée de travail de réflexion est devenue évidente et s'est conclue avec la réalisation du document suivant :
Choreographic score COESO D.2.5.pdf
Repartant des axes d’études préexistants propres à Choreographic research for cool photo shoots, il a été question de mettre en évidence les similitudes et les particularités de mouvements dans l'action de s'asseoir en proposant un protocole performatif similaire à deux groupes de personnes.
> Mouvement de départ
Cette première analyse naît d’une des premières demandes de Cosetta Graffione à Stefania Ferrando au début de la recherche commune durant le projet pilote Dancing Philosophy. En termes de mouvement, il s'agissait de : descendre, s’allonger par terre et remonter en cherchant des coordinations les plus logiques possibles par rapport à une organisation corporelle fonctionnelle.
Ce mouvement comporte pour nous une action simple qui met en évidence plusieurs éléments dans la stratégie d’accomplissement du geste, notamment la gestion des volumes, de l’équilibre postural et des appuis.
> La position assise
La position assise est la position des personnes qui étudient, qui lisent, qui écrivent. C’est aussi, souvent, la position choisie pour initier une relation de discussion, d’échange, de dialogue.
S’asseoir est un mouvement courant. Le verbe “s’asseoir” désigne l’action à accomplir, le but étant de changer de point d’appui principal en substituant l’appui des pieds sur le sol par celui du bassin (ischions en particulier) sur une surface qui peut être une chaise, le sol, ou toute autre surface désignée. C’est ce que nous mettrons en évidence dans la notation générique de ce mouvement.
> Objet de support : un stylo
C’est un élément symbolique de l’écriture et de la verbalisation, un objet courant, dont la manipulation ne demande pas de mise au point particulière.
> Paramètres d’analyse du mouvement
Les actions décrites ci-dessous nous permettent d’observer les stratégies de coordination dans un changement radical de niveaux dans le mouvement du corps.
Pour cela, nous proposons deux mouvements : ramasser un stylo puis le déposer par terre, mouvements qui nécessitent de se pencher et/ou de descendre son centre de gravité, et s’asseoir par terre et se relever, où l’action de changement de niveau dans le mouvement est encore plus évidente.
Dans l’approche différente de chaque participant, nous pouvons observer : les changements de niveaux, la gestion du centre de gravité, la gestion posturale des volumes (tête, cage thoracique, bassin) et des appuis, l’organisation des spirales dans le corps, l’utilisation d’autres appuis (mains, genoux, …) et de la ceinture pectorale comme relais, la coordination des différentes actions pour réaliser le mouvement et bien d’autres choses encore…
La performance (ou l’expérience)
Dans la première vidéo, les participants sont des étudiants en Master 2 en arts plastiques “Scénarisation, Réalisation, Transmédia” à l’UPHF de Valenciennes.
La seconde a été réalisée avec des étudiants en Théâtre et Sciences de l'éducation à l'université de Rennes 2.
Dans un espace vide, un stylo est posé sur le sol. Daniele est assis en avant-scène côté cour.
Chacun vient seul, selon des instructions données sur un papier. Ce sont des tâches à accomplir.
La scène est filmée par Sébastien Hildebrand, dans les deux diagonales en avant de l’espace.
Après avoir réalisé la brève séquence de gestes demandée, les participants sont invités à raconter ce qu’ils ont fait à Daniele Marranca (auteur avec Irénée Blin du protocole) qui les attend, assis par terre. Il connaît, bien évidemment, les consignes et les voit en action.
Cette sorte de tautologie entre action et verbalisation de gestes imposés est mise en scène en s’inspirant du langage de la performance. Elle est construite dans un contexte de rituel solennel dont l’association avec la simplicité des actions demandées sème le trouble sur l’objectif de l’action.
La méthode suivie est comparable à celles des expériences en psychologie sociale, où il s’agit d’opérer un déplacement de l’objectif de la recherche pour laisser les protagonistes les plus libres possibles dans l’accomplissement des actions.
Voici les 4 gestes ordinaires, objets de notre observation :
1 s’abaisser pour prendre un stylo par terre et se redresser pour continuer à marcher
2 s’abaisser pour déposer un stylo par terre et se redresser pour continuer à marcher
3 s’asseoir par terre
4 se relever pour s’en aller
Ces explications sont le sous-texte induit par les actions verbalisées sur le papier fourni par :
1 ramasser le stylo
2 déposer le stylo ailleurs
3 aller s’asseoir
4 s’en aller
Une fois les gestes ordinaires observés dans leurs singularités, ils peuvent être décrits, et donc également transmis et comparés.
Ces gestes peuvent être analysés afin d’être modifiés pour en améliorer la fonctionnalité, ou être utilisés dans un but expressif et symbolique propre aux arts vivants comme la danse, le théâtre et la performance, où le corps est le moyen d’expression.
On peut attribuer à ce genre d’expérience une valeur d’alphabétisation du langage du corps, dans le sens d’une auto-connaissance et d'une instrumentalisation dans son sens artistique.
Le langage de la performance a, pour finir, rendu possible la réalisation d’un produit esthétique qui peut s’inscrire dans l’univers des manifestations artistiques.